Feedback, le pouvoir des conversations de Stéphane Moriou
Dans cet ouvrage Stéphane Moriou explore l'art du feedback constructif, un outil essentiel pour améliorer les performances professionnelles et renforcer les relations interpersonnelles en entreprise. Grâce à des techniques de communication et des stratégies de leadership, ce livre offre des conseils pratiques pour donner et recevoir des retours de manière constructive. Découvrez comment utiliser le feedback pour améliorer vos relations, motiver vos équipes, développer votre leadership et améliorer votre gestion des critiques. Un must pour tout leader qui souhaite instaurer une culture du feedback dans son équipe.
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12/30/20249 min read


Ce livre m’a été conseillé, comme un cadeau, par un illustre inconnu lors d’un de mes nombreux voyages en train. Je lisais « L’autruche et le curieux » de Fabrice Gatti, ouvrage dont le titre ne laisse pas indifférent. Mon voisin fut intrigué par la couverture et me questionna. Je lui expliquai que le livre traitait du constat que le monde des organisations générait beaucoup de souffrances et que les décideurs semblaient se boucher les yeux et pratiquer la politique de l’autruche. Pourtant, les leaders ont tout à gagner à s’atteler à ces problématiques de qualité de vie au travail. Mon interlocuteur partageait ce constat. S’en suivit un échange fort agréable au détour duquel l’ouvrage de Stéphane Moriou et son travail sur le feedback furent évoqués.
Donner toujours plus de feedback aux équipes est une injonction que les managers reçoivent régulièrement. Pourtant, dans la pratique, peu d’entre nous sont à l’aise avec le sujet. Très peu de formations sont dispensées et peu d’ouvrages existent. Nos pairs et notre hiérarchie sont souvent avares en feedbacks sur nos rendus, sauf lorsque quelque chose ne fonctionne pas. Nous nous retrouvons à éluder le sujet ou à donner du feedback à nos collaborateurs avec maladresse, entraînant le possible désengagement de nos équipes. Dans ce brillant ouvrage, Stéphane Moriou, conférencier et entrepreneur, tord le cou aux idées reçues sur ce sujet et laisse entrer le feedback au cœur de nos vies, pour remettre du lien et du vivant dans nos relations privées et professionnelles.
Définir le concept de feedback
Commençons déjà par démystifier le concept de feedback, un concept d’apparence bien mystérieuse. Le feedback est un retour que nous faisons, ou que nous recevons, dans un contexte, suite à une ou plusieurs actions mises en place, qui ont donné lieu à un ou des résultats. Le feedback n’est ni un ordre, ni un compliment, ni un jugement.
Le feedback est factuel.
La vocation du feedback est de libérer de l’énergie et de faire grandir la personne à qui il est destiné, non de l’humilier ni de la juger, mais de lui faire apprendre quelque chose, en considérant les actions mises en place, en lui offrant de l’attention et de la reconnaissance.
Le feedback est un acte de générosité.
Il se donne sans rien attendre en retour. Nous offrons une information que nous pensons pertinente de partager. C’est un cadeau qui montre notre considération. Chacun a la liberté de l’accueillir de la manière qui lui paraît la plus opportune.
Le feedback est une preuve d’amour.
Amour du vivant pour commencer. Le feedback s’inscrit dans les lois naturelles de la vie. Notre espèce s’est développée grâce aux retours qu’elle recevait de son environnement et de ses pairs. Depuis des milliers d’années, les retours que nous avons reçus nous ont permis de nous adapter, assurant ainsi notre survie. Amour des Hommes ensuite. Créer du lien. Accepter l’autre. Partir à sa rencontre. Lui donner la possibilité d’agir, de se tromper, d’apprendre. Lui donner du temps, un environnement propice, lui faire confiance, pour qu’il libère son potentiel. Et amour de soi. S’accepter soi-même. Ses maladresses, ses erreurs, ses parts d’ombre, ses imperfections. Oser demander du feedback. Faire preuve d’humilité et de vulnérabilité. Et laisser faire le hasard…
Le feedback est subjectif.
Puisqu’il est donné par des êtres humains, le feedback est forcément subjectif. Mais comme l’intention de la personne qui l’offre est de libérer le potentiel de la personne à qui il est destiné, pour que celle-ci se révèle, cette subjectivité est acceptée.
Le feedback formé comme une STAR
Nous pouvons offrir et recevoir du feedback dans tous les pans de notre vie, aussi bien dans la sphère professionnelle que dans nos actions quotidiennes. Ces échanges enrichissent nos existences et font le sel de la vie. Pour Stéphane Moriou, il existe trois types de feedbacks : positif, correctif, et très rarement négatif. Tous trois s’articulent autour de la même équation choisie par l’auteur : la STAR : Situation + Action + Résultat. Même s’il existe d’autres articulations de formulation, celle-ci a le mérite d’être simple et facilement applicable quelle que soit le contexte. Si ces trois attributs ne sont pas présents, le feedback n’est pas là. Nous sommes dans le compliment, l’ordre ou le jugement.
Même si le feedback a pour vocation de faire grandir et de libérer le potentiel de l’Autre, il n’est pas toujours positif. Il arrive qu’il soit correctif. Dans ce cas, il a pour vocation de réduire une interférence qui freine la libération du potentiel. Quant au feedback négatif, son utilisation est rare. D’après une étude, seuls 8% de la population l’accepteraient, et cela dans des contextes bien particuliers. Alors autant l’oublier ! Les feedbacks positifs et correctifs suffisent. D’autant qu’il s’avère préférable de donner régulièrement des retours positifs. En matière de feedback, la régularité est clé. Lorsque nous devons donner un retour correctif, Stéphane Moriou nous recommande de le placer après un feedback positif et de ne surtout pas utiliser la méthode du sandwich, qui risquerait d’avoir l’effet inverse de celui recherché. Le feedback crée du lien et ne cherche surtout pas à opposer. Aussi, introduire un feedback correctif après un positif se fait grâce à un ET, plutôt qu’un MAIS.
Le feedback comme outil politique
Le feedback s’offre à tout le monde et concerne tous les objets : une tâche, la réalisation d’une tâche, l’autorégulation et la personne en soi. Dans les faits, c’est surtout au sujet des tâches et des compétences que le feedback se donne. Il a pour vocation de libérer les potentiels et de réduire les interférences, freins à cette libération. In fine, il agit sur la performance de chacun.
À une échelle plus globale, le feedback joue sur la performance des organisations lorsqu’il est donné dans un contexte professionnel. Voilà pourquoi les entités qui cherchent à créer de la valeur et maintenir un avantage concurrentiel doivent créer une culture et un environnement propices au feedback. Faire grandir, avec bienveillance, ses collaborateurs est un excellent moyen de trouver des solutions inventives et de créer de l’engagement de leur part.
Nous évoluons dans un monde où l’engagement et l’autorité sont en mutation. Un nouveau modèle se dessine. Pour le moment, le chaos règne. Les leaders ont un rôle clé dans le monde de demain. Leur mission est de remettre l’Humain au cœur des organisations, sans tomber dans un monde de béni-oui-oui où seule la bienveillance serait reine. Le pouvoir et l’autorité doivent être assumés et non craints. Les leaders se doivent d’exercer leur pouvoir, en créant du sens et en favorisant l’engagement de leurs collaborateurs, dont les rôles sont tout aussi importants. Ici, il n’est pas question de pouvoir et d’autorité despotiques. Il s’agit pour les dirigeants d’utiliser leur pouvoir et leur autorité pour permettre aux autres de briller. Quel changement de perspective ! Et quel meilleur outil que le feedback pour permettre aux talents d’émerger ?
Dans ce changement de paradigme managérial, il ne s’agit pas d’être manichéen et de balayer d’un revers de main tout ce qui existe. Tout opposer ne solutionne rien. Il y a des approches qui fonctionnent dans certains contextes. Il incombe de les utiliser lorsque c’est nécessaire. Tout est question de contexte, de timing et de proportion. Mais, dans le temps long, pour traverser les turpitudes de notre monde actuel, remettre l’Humain au centre et lui permettre de libérer son potentiel est la solution la plus adaptée. Au regard de ce contexte, implémenter la culture feedback sied parfaitement. Celle-ci crée du lien, fluidifie les échanges, offre de l’attention et de la considération, guide, fait grandir, valorise, met la lumière sur ce qui se fait de bien, donne l’opportunité de s’améliorer. Le feedback remet de la vie dans nos existences, et est le meilleur allié de nos performances.
Si le feedback est un outil parfait pour aider les salariés à briller et à développer leurs compétences au sein des organisations, Stéphane Moriou nous invite à voir plus loin. La culture feedback est à développer dans tous les pans de notre existence, et plus particulièrement dans l’éducation de nos enfants. Donner du feedback aux élèves et créer une culture de la coopération permettra aux futures générations de trouver le sens de leur vie en servant l’humanité… et celle-ci en a bien besoin.
Pourquoi si peu de feedback dans nos vies ?
Plusieurs raisons ont conduit à ce désert. Nos traditions y sont pour beaucoup. Notre éducation, qui depuis la nuit des temps s’est effectuée de manière verticale, n’a pas été propice aux retours d’expérience. Le savoir provenait des personnes plus âgées, qui détenaient plus de connaissances. L’arrivée d’internet et de l’ère de l’information a rebattu les cartes. Le savoir est disponible, à portée de main pour tous. Il n’est plus dans les mains de quelques érudits qui détiennent le pouvoir, mais peut s’enrichir d’échanges de personnes de tout âge et de toute culture.
Notre culture est aussi à remettre en cause. Jusqu’à présent, en Europe, nous avons entretenu une culture de la faute. Dans de nombreux pans de nos vies, l’échec et les erreurs sont diabolisés. Nous nous comparons et nous nous dévalorisons. La honte et la culpabilité qui en découlent en sont les preuves. Il s’agit bien d’un problème culturel. Sous d’autres latitudes, l’échec et la vulnérabilité sont perçus différemment, et deviennent même des sources d’apprentissage.
Manque d’exemplarité et de temps.
Il est temps de changer nos cultures pour permettre aux erreurs d’exister, et de les accompagner par de nombreux feedbacks pour que les collaborateurs et les organisations puissent grandir et en tirer profit.
Pour implémenter une culture feedback, créer régulièrement des situations où les partages sont possibles est primordial. Attendre l’entretien annuel d’évaluation pour donner des retours est inefficace, et génère de la frustration. Le feedback est une valeur qui doit se diffuser dans toutes les équipes. La direction a pour mission de sensibiliser ses managers à cette culture, en les formant, mais aussi en leur rappelant leurs rôles, qui consistent à « libérer les potentiels individuels et collectifs de son équipe, et réduire les interférences qui impactent négativement la performance individuelle ou collective ». Pour réussir dans ces missions, les managers doivent avoir une bonne conscience d’eux-mêmes, pour minimiser les interférences dont ils pourraient être responsables. Leur connaissance des autres se doit aussi d’être excellente, pour libérer les potentiels. Et une connaissance du monde irréprochable est aussi à avoir pour donner un sens aux actions. « Être manager ou top manager n’est pas simplement un titre. C’est une manière de penser son rapport aux autres et de se mettre au service du monde. » Le feedback est son outil pour faire grandir son équipe en en distillant régulièrement. Mais aussi pour grandir lui-même, en demandant autour de lui.
Le feedback est un art
Tel un art, le feedback demande de la préparation, de l’observation, de l’entraînement et de prendre son temps. Pour que le feedback soit pertinent, mieux vaut s’aventurer sur son chemin de manière organisée et préparée. Lorsque l’on partage un feedback, pour qu’il ait la portée souhaitée, un temps d’observation qualitatif des faits, des comportements et des résultats est nécessaire. Sans ces informations, nous ne sommes pas dans un feedback, mais dans un compliment ou un jugement.
Puis, il faut dédier du temps à la préparation du feedback pour que celui-ci ait la puissance qu’il mérite. Préparation du message que l’on souhaite faire passer, mais aussi anticipation du timing et du moment où le communiquer. Enfin, un temps qualitatif se consacre à partager ce feedback avec la personne qui le reçoit. La réception d’un feedback, telle la perception d’une œuvre d’art, peut libérer des émotions. C’est tout à fait normal. Ces émotions se vivront mieux dans un cadre adapté, avec un temps privilégié où les protagonistes échangeront sur le sujet et son vécu.
Cette pratique du feedback n’est pas innée et nous n’avons jamais été formés à en exprimer et à en recevoir. La pratique du feedback demande donc un entraînement régulier. Notre niveau d’expertise s’acquerra davantage si nous partageons et recevons des feedbacks. À la vue de leurs bienfaits, s’y atteler dès maintenant semble être une excellente idée pour grandir et faire grandir.



